Répétitions

Shadock2L’histoire ne se répète pas, dit-on. Mais il lui arrive manifestement de se figer dans un surplace frappant. Voici un post que j’avais publié sur Facebook en mars 2018. Six ans pour que rien ne change, ou presque ! Certes, quelques éléments de la PAC ont pu évoluer, mais elle est toujours aussi mortifère pour nos éleveurs. Quant aux éternelles discussions de statut pour la Corse, il vaut mieux en sourire. Reste une question lancinante : quelle société voulons-nous ?

Coup de colère, ou Quelle société voulons-nous ?

A l’heure où l’Assemblée Corse débat du degré d’autonomie à faire inscrire dans le cadre de la réforme constitutionnelle française, l’Etat français annonce la mise à mort de centaines de bergers corses, par l’application d’une directive européenne ne “primant“ plus les surfaces peu productives. Quel rapport, me direz-vous, entre les deux sujets ?

Le rapport est dans la question : quelle société voulons-nous ? Le projet d’article constitutionnel voté par l’Assemblée corse cite la protection du patrimoine foncier, le statut fiscal, la langue, le développement économique et social, l’emploi, l’éducation, la santé, comme étant les domaines dans lesquels la Corse réclame une habilitation à légiférer ou à adapter la loi. Ces domaines sont importants. On sait que, très probablement, le texte qui sortira des négociations parisiennes ira moins loin. Mais, déjà en l’état, il ne fait nulle référence à un point de plus en plus critique, qui est la représentation directe dans les négociations… à Bruxelles. Car c’est là que se joue pour une part très forte le futur de l’agriculture corse.

Mais que pèsent quelques centaines de bergers ou d’éleveurs dans une population de 300 000 habitants, pour la grande majorité concentrée en ville et sur la côte ? Rien, ou presque, si on se contente du présent ou du futur immédiat. Beaucoup si on regarde un peu plus loin.

Il est temps, en Corse, comme ailleurs, de refonder un pacte entre ville et campagne, entre ville et montagne. Non pas pour de simples exigences éthiques, ou par nostalgie d’un passé révolu. Mais pour construire un avenir vivable. Les urbains doivent dire s’ils veulent que les campagnes ou montagnes qui les entourent soient désertifiées, livrées aux bandes, aux incendies, aux inondations, comme le décrivent nombre de romans d’anticipation, ou s’ils veulent que la vie y soit préservée toute l’année, et pas seulement quelques mois d’été par an ! Si leur choix est le second membre de l’alternative, alors ils doivent accepter de payer pour que les bergers, les éleveurs, continuent à pouvoir vivre, aménager le territoire. Alors, ils doivent accepter les quelques contraintes que cela peut faire peser sur leurs espaces de loisir. Alors, ils doivent comprendre qu’une politique agricole saine, ce n’est pas seulement une politique qui leur permet de manger à leur faim pour pas cher, c’est aussi une politique qui préserve un territoire. Et si ce territoire comporte de nombreuses surfaces “peu productives”, parce que sa géographie est ainsi, alors il doit en être encore plus soutenu. Faute de comprendre la logique de ces choix, les urbains se condamnent eux-mêmes et leurs enfants à vivre dans des forteresses qui n’auront d’autre solution que de se protéger de campagnes environnantes devenue des zones de non-vie et de non-droit.

Les agriculteurs, éleveurs, bergers sont parfois agaçants. Les agriculteurs, éleveurs, bergers ne sont pas toujours facile à comprendre. Mais sans eux, que seraient nos terres ? Alors, ce n’est pas seulement le monde agricole qui doit refuser les directives européennes mortifères, mais toute la société corse, villes et campagne, plaine et montagne qui doit se battre pour son propre modèle de développement.