Les révélations du Covid :  la fin de la démocratie parlementaire

GouvernementNous l’avons déjà souligné, la période Covid a mis la démocratie parlementaire entre parenthèses. Mais était-ce vraiment une parenthèse ? L’après Covid tend à montrer que non, ou en tous cas que cette parenthèse est loin d’être fermée. De 49.3 en censures complices par le Conseil Constitutionnel, la France n’a jamais été plus éloignée d’une vraie démocratie depuis l’établissement de la République. 

Et une fois de plus, le Covid n’a été qu’un révélateur et un accélérateur. Jupiter, comme se plaisaient à le surnommer les médias, est arrivé au pouvoir en 2017. Dès son accession au pouvoir, il a gouverné avec ses préfets, en faisant fi des institutions représentatives. La réforme de la Constitution établissant le mandat présidentiel à cinq ans et inversant le calendrier électoral a de fait transformé l’élection législative en simple désignation d’une chambre d’enregistrement. Le renouveau apparent introduit par Emmanuel Macron, en laminant les partis politiques traditionnels, parfois avec l’aide d’une justice maniant l’urgence avec un zèle suspect pour quelques costumes de candidat, a créé une nouvelle classe politique dont l’existence ne dépend que de lui. Une nouvelle noblesse d’Empire, en quelque sorte. Mais revenons à la période Covid…

Un gouvernement de guerre permanent

Presque partout dans le monde, du moins dans le monde occidental élargi, des mesures spécifiques accordant un peu plus de pouvoirs à l’exécutif ont été prises. La Suède ou l’Islande ont été à ce titre des exceptions remarquables. 

Mais la France s’est distinguée en gérant le covid comme une guerre ! En Allemagne par exemple, c’est une loi de 2001, dite Infektionsschutzrecht (loi de protection contre les infections) qui a été mise à contribution. En France, le parlement a voté l’Etat d’urgence sanitaire, donnant ainsi pleins pouvoirs à l’exécutif. Un état d’urgence qui a été d’une longueur exceptionnelle, puisqu’il a duré, avec quelques brèves interruptions, jusqu’en… juillet 2022 !

La gestion de la pandémie en France a été conduite sous l’égide du Conseil de Défense. Pratique, puisqu’ainsi il n’y a, en vertu du Secret Défense, pas de compte à rendre au Parlement ! La France est, à notre connaissance, le seul pays dit démocratique qui a procédé ainsi. Mais le plus remarquable dans cette histoire, c’est la façon dont la quasi totalité des parlementaires (510 Pour,  37 Contre, 28 Abstentions) s’est accommodée de se voir ainsi privée du pouvoir de contrôler l’action de l’Etat. Le seul autre exemple d’un tel renoncement est à rechercher… en 1940. Il a fallu attendre la prolongation de février 2021 pour qu’une opposition réelle — minoritaire — se manifeste. Et, comme nous l’avons déjà souligné ailleurs, nulle enquête en France sur la gestion de la pandémie, contrairement aux autres démocraties. 

Il faut dire que la France s’était habituée ces dernières années à de tels états d’urgence. De novembre 2015 à novembre 2017, c’est suite aux attentats terroristes qu’il avait été instauré. Et, s’il a été levé en 2017, c’est au prix d’une intégration dans la loi ordinaire (loi “SILT”) de nombreuses mesures restrictives des libertés.

Au-delà des mesures elles-mêmes, l’état de guerre est devenu, sous Emmanuel Macron, une constante du vocabulaire. L’Ukraine a vite pris le relai du Covid, et le Conseil de défense a été alors mis à contribution pour… la politique énergétique de la France ! Et ça continue. Début 2024, c’est au “réarmement”, y compris en matière de natalité, que le Président de la République invite la nation.

zeusQue l’on ne s’y trompe pas. Cette phraséologie a bien un but, au-delà de la volonté de donner une image martiale à Jupiter. La guerre est la seule situation où un peuple attaché à la démocratie accepte que celle-ci soit mise entre parenthèses. Orwell l’a parfaitement illustré dans 1984. Faire baigner en permanence les Français dans une ambiance guerrière est bien le meilleur moyen de leur faire accepter la mort de la démocratie parlementaire. 

Un cirque parlementaire qui continue

Car celle-ci est bel et bien malade, en phase terminale. Les élections législatives de 2022 ont ajouté quelques clous à son cercueil. Nous avons évoqué dans un article précédent le résultat de ces élections comme ouvrant la voie à toutes les combinazione imaginables. Les presque deux ans qui se sont écoulés depuis sont à ce propos édifiants. 

On aurait pu, pourtant, penser que l’absence de majorité absolue au Parlement conduirait le gouvernement et le Président à mieux écouter les Français et à prendre en considération différents points de vue. C’est ce qui se serait passé dans n’importe quelle démocratie. 

Mais c’était là négliger les apports merveilleux de la Ve République au pouvoir exécutif. Le recours systématique au 49.3 a en réalité donné au Président et à son gouvernement plus de latitude qu’une majorité, même godillot, à l’Assemblée Nationale. En obligeant le recours à une motion de censure, arme nucléaire du Parlement, le gouvernement a pu faire taire, de fait, tout débat dans son propre camp, sur les retraites comme sur les budgets. Il aurait fallu que les oppositions se mettent d’accord entre elles pour qu’une motion de censure soit votée. Or, LFI comme le RN sont les meilleures garanties qu’un tel accord ne se fera pas. Et, quand d’aventure c’est un groupe, en l’occurrence le groupe LIOT, qui présente la motion, on trouvera bien quelques transfuges potentiels de LR ou d’ailleurs pour oublier de la voter !

Quand l’usage du 49.3 devient sinon impossible, du moins peu souhaitable politiquement, il reste… le Conseil Constitutionnel. Celui-ci avait déjà montré tout au long de la période Covid son interprétation de la Constitution particulièrement favorable à l’exécutif. Il a continué en ne censurant pas la loi sur les retraites. Et il a montré son ultime soumission en rétablissant le texte de loi sur l’immigration dans sa version gouvernementale, censurant tous les amendements que les oppositions avaient réussi à imposer, puisque là, il n’y avait pas recours au 49.3. 

Notre propos n’est pas ici de défendre un quelconque point de vue sur les retraites ou sur l’immigration. Il s’agit simplement de pointer le fait que, depuis 2020 au moins, le Parlement est devenu quantité négligeable dans l’exercice de la démocratie à la française. 

Ce qui n’empêche nullement députés et sénateurs de continuer leur cirque, aux frais du contribuable ! L’augmentation récente de leurs enveloppes de frais respectives, en pleine période où l’inflation met à mal le budget d’une majorité de leurs concitoyens, est la marque d’un mépris totalement injustifiable. Les provocations incessantes des députés NUPES, ou plutôt LFI et quelques-uns de leurs amis, jusque dans les hommages nationaux aux victimes du 7 octobre ou à Robert Badinter, témoignent en réalité du même mépris pour les électeurs. Et que dire des petites magouilles et autres ralliements discrets qui font de certaines oppositions les meilleurs alliés, secrets, du gouvernement ?

Les électeurs d’ailleurs comprennent bien le peu de considération dans laquelle ils sont tenus, puisqu’ils  se déplacent de moins en moins pour voter. 

Gouvernance mondialisée ou subsidiarité démocratique

Qu’on ne cherche pas dans les lignes qui précèdent l’expression d’un quelconque antiparlementarisme. Au contraire. La démocratie parlementaire est la façon la plus efficace, respectueuse et saine d’organiser et d’exercer le pouvoir. A condition simplement qu’elle fonctionne et non qu’elle se contente d’entretenir une illusion. 

Or, en France, il y a un bail qu’elle n’exerce plus le pouvoir. Et que le peuple aussi s’en est vu dépossédé. Cela d’ailleurs ne concerne pas que la France. On pourrait faire remonter cette dérive au traité de Maastricht et à la façon calamiteuse dont a été gérée sa ratification. Faire revoter les Danois parce que leur première expression n’était pas conforme aux attentes des élites serait une anecdote amusante si elle n’était tragique. Quelques années après, ce sont les Français, entre autres, qui ont refusé la Constitution européenne qui leur avait été concoctée. Qu’à cela ne tienne ! Le Traité de Lisbonne en a repris les principaux traits, et là, sans nécessiter le risque d’un référendum : le parlement a rempli sa fonction de chambre d’enregistrement. 

La période du Covid a été l’expression la plus criante de ce déplacement du pouvoir. L’OMS a émis les directives, la Commission européenne a négocié les contrats, mis en place un pass sanitaire européen, édicté des règles de déplacements, etc. Caractéristique commune de l’OMS et de la Commission : elle n’ont de comptes à rendre à aucun parlement. Les Anglais, inventeurs de la démocratie parlementaire, l’ont bien compris, et ils ont quitté l’Union Européenne avant qu’il soit trop tard.

Cette supra gouvernance qui se met en place de façon accélérée aujourd’hui n’est pas nouvelle. Cela fait déjà plusieurs décennies que les gouvernants français ont pris l’habitude de faire porter à l’Union européenne le chapeau des mesures les plus impopulaires. Combien de fois n’avons nous pas entendu «C’est la faute à l’Europe »? Mais, encore une fois poussé et éclairé par la crise Covid, le rythme s’est soudain emballé. Le Brexit y a peut être aussi contribué, à la fois par réaction et parce que le contrepoids que représentait la Grande-Bretagne est parti. Toujours est-il que, de la politique sanitaire à la politique internationale — Ukraine, Gaza —, une Europe non démocratique prend de plus en plus le pas sur les États nations hérités des siècles passés. 

Une_gouvernance_mondiale_851d95816dEt l’UE n’est pas seule. Nous avons déjà parlé de l’OMS. En matière économique, l’OMC n’est pas en reste. Et comment ne pas évoquer Davos et son Forum Économique Mondial ? Nul complotisme dans cette évocation, puisque l’agenda du Great reset est parfaitement public. 

Reste les oripeaux de la démocratie. Emmanuel Macron en France les arrache consciencieusement. N’a-t-il pas été de fait mis en place pour cela ? Car les chiffres parlent. Ce Président deux fois minoritaire a gagné néanmoins l’élection parce qu’il a dépensé le plus dans sa campagne. Et l’argent ne venait pas que de militants zélés, qui n’existaient pas en nombre en 2017. Macron n’est pas le seul au niveau mondial. Justin Trudeau n’a rien à lui envier. Et même l’Angleterre du Brexit n’a pas retrouvé sa souveraineté. Liz Truss, la première Ministre la plus brève de l’histoire du Royaume Uni, a été mise en place par les militants… et virée par les fonds de pension et la finance mondiale. 

On pourrait penser que l’émergence d’une gouvernance mondiale serait une bonne chose pour s’occuper efficacement de problèmes planétaires, comme l’environnement ou la guerre et la paix. L’expérience montre qu’il n’en est rien. Qu’il s’agisse de la mise en coupe réglée de la forêt amazonienne ou des guerres en Ukraine, au Yémen, à Gaza, la gouvernance mondiale est impuissante. 

Et pour cause. Elle n’a pas encore acquis la moindre légitimité auprès des peuples, et par ailleurs est loin d’être vraiment mondiale, comme le rappelle la concurrence de fait entre l’Occident sous tutelle américaine et les BRICS. Loin de conduire à la paix, elle renforce le choc des Empires, dont la guerre en Ukraine est une manifestation. Il n’empêche que les élites ont choisi. C’est en effet pour elles la meilleure façon d’échapper enfin au contrôle des peuples, de ces gens qui “ne sont rien”. Car une gouvernance suprnationale ne peut pas être démocratique. 

Ainsi, la période Covid a jeté un éclairage révélateur sur cette évolution en cours depuis plusieurs années vers une gouvernance qui échappe aux règles de la démocratie. Ce n’est pas seulement en effet la démocratie parlementaire qui est moribonde, mais la démocratie tout court.

Car, devant la complexité d’un monde de plus en plus manifestement relié, nous  sommes confrontés à une alternative simple : renouer avec la démocratie en renforçant et généralisant la subsidiarité, ou nous soumettre à une dictature supranationale.

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