Contrairement au confinement de mars, où la sidération avait rendu inaudibles les quelques trop rares oppositions, l’édition d’octobre se heurte à de nombreuses protestations, partout en Europe, et même un peu en France et en Corse. Certes, ici, ce sont surtout ses modalités que l’on attaque : fermeture insensée des librairies et rayons Livres, masques aux enfants dès 6 ans, mort programmée des petits commerces de centre ville…
Des maires courageux défient les arrêtés gouvernementaux en édictant les leurs propres, pour maintenir ouverts leurs commerces. Et certaines voix se font même entendre pour rejeter le confinement lui-même : une tribune de près de 350 scientifiques et professionnels a contesté la décision du Président de la République et les chiffres mensongers qui ont servi de base à son annonce. Elle a certes moins de succès dans la presse mainstream française que les prédictions apocalyptiques de Delfraissy, mais elle a le mérite d’exister. Outre-Manche, ce sont des journaux comme le Daily Telegraph qui sont vent debout contre les décisions confinatoires de Boris Johnson, au nom des libertés et non de la seule préservation de l’économie. En Espagne, en Italie, c’est dans la rue que s’expriment les refus de mesures qui n’ont de sanitaire que le prétexte.
On pourrait s’attendre à ce que, dans des pays démocratiques, les gouvernements tiennent compte de ces oppositions. Il n’en est rien. Leur seule réponse est la crispation et la tentative de culpabilisation.
Des mesures injustifiées
Pourtant, rien, absolument rien ne justifie couvre-feu, confinement ou autres mesures coercitives dans cette épidémie !
Une maladie d’une gravité exceptionnelle ? Nul besoin pourtant de remonter au Moyen-Âge, ni même à la grippe espagnole, pour trouver l’équivalent ou pire, sans que cela pourtant n’ait entraîné ce type d’intrusion des États dans nos vies. En 1957-58, puis en 1968-69, ce furent des épidémies de grippe. Et il y a eu dans les années 50 des épidémies de polio, avec, il est vrai, relativement peu de morts, mais des enfants laissés infirmes par dizaines de milliers. J’ai atteint un âge où je peux me permettre de dire qu’une épidémie qui s’attaque aux jeunes est plus grave qu’une épidémie qui les épargne et se concentre sur les plus âgés. Et il y aura d’autres virus dans les années à venir. Les virus, il y en a toujours eu, il y en aura toujours. Et ils mutent, se transforment, s’adaptent. Et ils continueront. La différence avec les années passées, c’est qu’aujourd’hui, on les différencie très vite par leur signature (ADN ou ARN), alors qu’auparavant on les confondait en familles par leurs effets : grippes plus ou moins graves, pneumopathies plus ou moins graves…
Sauver des vies humaines ? Objectif louable. Mais comment accepter que ce soit au prix d’autres vies humaines ? Celles que le cancer détecté trop tard fauchera, celles que le désespoir d’avoir perdu emploi ou métier détruira, celles que, simplement, la solitude emportera valent-elles moins que celles qui sont menacées par le Covid ? Et celles de nos enfants, qui seront fragilisées par le traumatisme que représentent masques et distanciation, traumatisme dénoncé par des psychologues de plus en plus nombreux, doivent-elles être sacrifiées pour gagner quelques mois d’espérance « de vie » ?
Sauver un système de santé au bord de l’effondrement ? Soyons donc un peu objectifs. Malgré les coupes sombres qu’il a subi au cours de ces dernières décennies, notre système de santé reste immensément meilleur que ce qu’il était quand je suis né, il y a 65 ans. À l’époque, on n’allait aux Urgences que pour les choses vraiment graves. Aujourd’hui, nous avons des équipements de diagnostic nettement plus précis, des médicaments plus efficaces, des structures de soin plus nombreuses… et des prescriptions d’examens décuplées, la queue aux Urgences même en temps normal… Ce qui met à mal le système de santé n’est pas le Covid, mais la logique qu’on a laissé se développer du ”tous à l’hôpital”, sans y mettre les moyens nécessaires. Laissons travailler les médecins de ville, laissons-les prescrire, limitons les examens hospitaliers à ceux qui sont nécessaires, et notre système de santé retrouvera sa respiration. Acceptons aussi que les gens vieillissent et meurent, c’est aussi cela l’humanité.
Soulager le personnel soignant ? Là encore, un objectif louable. Mais qui cache une belle manipulation. Les cliniques privées ont été largement sous-utilisées au printemps, au point d’avoir dû, pour certaines, recourir au chômage partiel. Et plus largement, le personnel soignant a choisi son métier en connaissance de cause. J’ai de la considération pour eux. Mais pas au point d’accepter que, pour les soulager, on détruise des milliers d’emplois tout aussi respectables. Ni que nous leur sacrifiions ce qui fait la qualité de nos vies : la liberté, la famille, les amis et toutes les relations qui vont avec. La grande majorité des soignants ne le souhaitent pas non plus, d’ailleurs. Au contraire, ils se battent pour que nous vivions mieux.
Des Etats prédateurs de nos vies
Non, rien ne justifie ces mesures, si c’est n’est la volonté des États de se mêler de tout et la propension de la société, par paresse ou pire, à les laisser faire. Vous avez voulu le confinement, vous aurez… la dictature. Car pour un État, « se mêler de tout », c’est avoir pouvoir sur tout et sur tous. Les institutions gouvernementales ont leurs logiques propres, leurs dynamiques propres. Vers toujours plus de centralisation, toujours plus de contrôle. Au prétexte de l’efficacité. Une prétendue efficacité qui a conduit l’Etat à devenir Providence. Et maintenant que les finances se font plus rares et qu’il est devenu plus difficile de donner à chacun tous les services qu’on lui avait appris à attendre, l’Etat se fait Père Fouettard. Il punit, il culpabilise — ce n’est pas de sa faute si les hôpitaux sont débordés, mais de celles de ses irresponsables qui ont cru pouvoir vivre normalement quand un vilain virus guettait —, il enrôle des auxiliaires de police bénévoles — dénoncez votre voisin s’il organise des fêtes où l’on s’embrasse en nombre, dénoncez votre voisin s’il vous semble un peu islamiste —, il nous apprend que nous devons nous méfier de tous, car on peut contaminer sans être malade, et il apprend à nos enfants à se méfier d’eux-mêmes, car ils pourraient porter la responsabilité de la mort de leurs grands parents… Une société de délateurs culpabilisés, apeurés, isolés et un peu parano, quel rêve pour un État ! Mieux que ce qu’ont réussi les totalitarismes du vingtième siècle…
Oh, j’entends déjà les commentaires : délire exagéré, limite complotiste, d’un irresponsable asocial qui refuse quelques privations de liberté pour le bien de tous ! Et pourtant, je n’invente pas ce que j’ai lu ce matin dans un article de Libération rapportant des propos entendus sur le marché de Nice : « Il nous faudrait une bonne dictature. Il nous faut un Kim, comme en Corée.» Car ce n’est pas seulement la paresse qui conduit notre société à laisser l’Etat empiéter ainsi sur nos vies. Il y a aussi la peur, entretenue par la litanie des entrées en réanimation, voire des morts, imputées — à tort ou à raison ? — au Covid, bien sûr. Mais encore plus la frustration de tous ces petits dictateurs en puissance, ces délateurs, ces « haineux » que des décennies de paix et de liberté ont mis au chômage, et qui voient dans cette situation une occasion en or pour libérer en toute bonne conscience leur méchanceté, leur sadisme latent, qu’ils soient en charge de responsabilités sanitaires, habitués des plateaux télé et des réseaux sociaux ou simples « citoyens » qui s’auto-investissent d’une mission de police des mœurs.
Que celles et ceux que cela rassure de penser que j’exagère soient complètement rassurés : leur avis m’indiffère. J’ai au cours des premiers mois de ce cauchemar tenté de convaincre à coups de chiffres, d’exemples étrangers— la Suède, par exemple —, bref, en tentant de faire appel à la raison. En vain.
Maintenant, il faut choisir : résister ou porter la responsabilité du monde inhumain auquel nous condamnerions nos enfants. J’ai choisi. Comme toujours dans l’histoire, nous ne serons au début qu’une poignée à resister. Puis notre nombre grandira au fur et à mesure que la situation deviendra de plus en plus insupportable. Pour finir, je l’espère, par l’emporter et revenir à une société comme celle pour laquelle se sont battus nos parents, grands-parents et aïeux : une société libre, où les relations humaines donnent sens et goût à la vie.