Il y a moins d’un an, j’écrivais cet article : la France n’est pas (encore) une dictature. Il aura suffit de deux événements sans rapport entre eux pour que la dérive s’accélère de façon vertigineuse.
Un petit virus, à peine plus dangereux qu’une grippe sévère — que ceux que cette comparaison énerve regardent les chiffres au lieu de ne voir que leur peur — a conduit l’Etat français à prendre des mesures de temps de guerre en matière de libertés, sans pour autant esquisser le moindre geste dans le seul domaine qui eut été pertinent : renforcer massivement les capacités de soin. C’est bien à la mise en place d’une dictature sanitaire que nous assistons : mise à disposition des Préfets de mesures d’interdiction des rassemblements ou de couvre feu, développement d’une propagande incessante et délirante — l’enfant responsable de la mort de ses grands parents parce qu’il les embrasse —, injonctions de plus en plus paradoxales — entassez-vous au boulot ou dans le métro, mais n’allez plus vous détendre le soir, les foules y deviennent dangereuses —, absence totale de visibilité sur le futur et de transparence sur les chiffres, messages en permanence anxiogènes.
Et un drame inqualifiable, l’assassinat d’un professeur par un fou islamiste, donne une nouvelle vigueur aux appels pour un train de mesures naguère rejetées : censure des réseaux sociaux, surveillances accrues en tout genre, restauration de « l’intransigeance républicaine » la plus répressive. Non, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui ont tué Samuel Paty, c’est un jeune réfugié Tchétchène, venant d’une zone de guerre très dure. L’Etat français l’a laissé tranquillement se radicaliser sans surveillance, de même qu’il laisse des imams reconnus comme intégristes éructer leur haine sans intervenir, alors qu’il a tous les outils juridiques pour le faire. Et dans le même temps, pour quelques tirs isolés sur une gendarmerie — qui n’ont fait aucune victime et sont presque passés inaperçus —, il embastille de façon préventive, sans procès, un Jean-Pierre Santini, écrivain et militant corse de 76 ans, qui proclame son innocence et qui soutient cette proclamation d’innocence par une grève de la faim depuis 12 jours.
Non, ce ne sont pas les réseaux sociaux qu’il faut mettre sous surveillance. Non, ce ne sont pas les citoyens lambdas qu’il faut frapper de couvre-feu. Non, ce ne sont pas aux militants corses qu’il faut faire subir toute la hargne d’un Etat français qui ne sait pas ou ne veux pas s’attaquer aux vrais coupables. Cette façon de montrer ses muscles, quel que soit le sujet, et de jouer sur les peurs et les émotions, au lieu de traiter les vrais problèmes est une caractéristique commune à toutes les dictatures. La France ne semble-t-elle pas prendre à grande vitesse ce chemin ?
L’autoritarisme ne vise en fait qu’à camoufler l’incompétence d’un gouvernement complètement dépassé par des événements qu’il a, pour partie, lui même provoqués, en cassant le système de santé, ou en entretenant des relations coupables avec des pays qui soutiennent de fait le terrorisme islamiste. Et le tout sur fond d’un seul credo : le pragmatisme économique au service exclusif des « premiers de cordée », de la finance et des firmes oligopolistiques.
Ne nous laissons pas abuser par des discours faussement protecteurs. La liberté et la responsabilité restent les seuls moyens acceptables de faire face, que ce soit au terrorisme ou aux pandémies. Les discours martiaux sur fond d’émotions, même (surtout) si celles-ci sont légitimes, ne sont jamais de bon augure.