Toute vérité est bonne à dire, mais pas n’importe comment.
L’épidémie de Covid-19 a révélé une crise de confiance massive dans la parole des autorités. Due aux mensonges répétés « pour notre bien » : « pas de risque d’épidémie » en janvier, « pas besoin de masques » en février, « pas de confinement » début mars, la litanie serait longue. Et en même temps, elle révèle un autre danger : la floraison incontrôlée d’experts du café du commerce.
Ainsi aujourd’hui, tout le monde a un avis sur les masques, la bonne façon de les porter et de les nettoyer s’ils sont réutilisables. Tout le monde a un avis sur le R0 et les risques de deuxième vague. Tout le monde a un avis sur l’origine du virus.
On connaissait déjà les dangers du Docteur Google, qui permet à tout un chacun de trouver en ligne diagnostic et traitement de tout et n’importe quoi, sans qu’un médecin n’y dise mot. Voici le stade ultime de la disparition de l’expertise au profit de la loi du plus grand nombre — ou du plus fort en g… —. Même le Professeur Raoult, pour qui j’ai un profond respect, s’y fait piéger quand il souligne, à l’appui du traitement qu’il préconise, que 57% des médecins dans le monde y ont recours. Pour valider un traitement, je préfère pour ma part les statistiques de guérison que les statistiques d’utilisation.
On pourrait multiplier les exemples, y compris hors du médical. Ainsi, tout le monde en Corse a son avis sur la part que représente le tourisme dans le PIB, ou sur la fiabilité du Green pass suggéré par Gilles Simeoni. Comme si cela était question d’opinion et non de faits démontrables…
Le Covid n’a fait que souligner une société de défiance déjà en route depuis des décennies et mise en évidence par de nombreux auteurs. Souligner et amplifier. Rétablir la confiance au sein de notre société sera le défi majeur de l’après Covid. Parce qu’une société sans confiance ne peut pas survivre.
Cela passe par une condition indispensable : distinguer les faits et les opinions. Que l’on soit homme politique ou journaliste, on se doit de dire la vérité quand on en est dépositaire, et de démontrer que c’est la vérité. On se doit aussi de préciser les doutes et incertitudes qui subsistent et de cesser de présenter comme absolue certitude ce qui n’en est pas. Et on se doit de rappeler que certaines données sont du domaine des experts, parce qu’ils sont formés pour les comprendre et les analyser, et que nous ne le sommes pas tous. Enfin, on se doit de préciser la frontière entre les faits et les opinions. Chacun a le droit d’exprimer toutes les idées qu’il veut. Mais pas de faire passer pour LA vérité ce qui n’est que la sienne. Surtout s’il prétend faire profession de diriger ou d’informer.
Utopiste ? J’espère vraiment que non, dans la grande majorité des cas. Car si nous ne réussissons pas a restaurer un peu de confiance, alors nos sociétés disparaîtront, tout simplement.