En Corse, les préfets se suivent, mais ne se ressemblent pas… Du moins si l’on en juge par les articles de presse en cette période de passation de pouvoir entre Josiane Chevalier et Franck Robine.
Le premier coup revient à la Préfète partante. Elle a écrit à notre Président de l’Exécutif une lettre saignante, fustigeant son inhumanité pour avoir refusé l’organisation d’un concert pour commémorer la mort du Préfet Erignac. Courroucé, Gilles Simeoni a expliqué dans la presse combien les mots choisis par Josiane Chevalier étaient volontairement blessants, humiliants. Rappel de ceux du Président de la République française lors de son premier passage sur l’île, quand, accompagné par Jean-Pierre Chevènement, il assenait face à notre Président de l’Exécutif, aussi avocat d’Yvan Colonna, qu’ « il est des causes qui ne se plaident pas » ?
Mais heureusement, quelques jours après cet accrochage avec la Préfète partante, le Préfet arrivant a su trouver les mots de l’apaisement, dixit Corse Matin. Et la cérémonie en hommage au Préfet Erignac a été, toujours selon notre quotidien, un « sans faute diplomatique ».
Beau numéro que ce duo, celui que l’on retrouve dans toutes les bonnes comédies policières ! Il y a le gentil, qui fait patte de velours, et le méchant — ici, la méchante —, qui assène les coups et que son complice retient — « notre » nouveau préfet dit ne pas assumer la lettre de Josiane Chevalier. Mais chacun sait bien qu’ils sont complices, en fait ! Et que les deux partitions qu’ils jouent sont écrites par le même scénariste. Rappelez-vous, d’ailleurs, la prise de fonction de Josiane Chevalier… Elle était alors la gentille, et ne tarissait pas d’éloges pour cette île quelle découvrait : ses villages, sa montagne, sa culture… Cela valait bien le “Vive la Corse” de son successeur…
Le scénariste est bien évidemment l’Etat français, incarné par Emmanuel Macron et son ministre de l’intérieur. Un État qui nous démontre depuis des années qu’il ne négocie pas, mais qu’il sait tricher pour gagner, selon le mot de Machiavel. Qui peut croire un instant que les fidèles serviteurs que sont les préfets se permettraient de jouer leur propre partition ? Et qu’un État aveuglé les récompenserait par des promotions remarquables ? Josiane Chevalier et Franck Robine sont peut être deux faces différentes, mais Janus est un et indivisible dans son mépris des Corses et de la Corse.
Si l’Etat français veut de l’apaisement, cela lui est pourtant simple : amnistie des prisonniers politiques corses, ou, à tout le moins, rapprochement immédiat de TOUS les prisonniers et arrêt des mesures vexatoires pour ceux qui ont purgé leurs « peines », co-officialité de la langue Corse, réforme des institutions pour inscrire dans la Constitution française un véritable statut d’autonomie pour notre île, ou, à tout le moins, dans un premier temps, élaboration d’un statut fiscal et social spécifique…
Tout cela, Gilles Simeoni le sait bien, puisque c’est sur ces thèmes qu’il a été élu en 2015 et brillamment réélu en 2017. Ces thèmes auxquels une large majorité du peuple corse a apporté son approbation.
Notre Président de l’Exécutif n’est sûrement pas dupe de ce jeu qu’ont joué les deux préfets. Il n’est sûrement pas prêt d’abandonner, pour une poignée de main souriante avec le nouveau représentant de l’Etat français, les revendications claires et précises qui l’ont porté là où il est. Ainsi, le film qui nous est joué restera le gentil et la méchante, et ne deviendra pas le bon, la brute et le truand.