Est-il temps d’être libre ?

Telle était la question posée lors de la 2éme coupe de Bastia de Philosophie et de joutes verbales, le 14 juin dernier. Le texte qui suit est celui de mon exposé initial, limité à deux minutes, comme le veut la règle du jeu. Ce texte a peut-être semblé un peu trop politique au Président du jury ! Il est pourtant des périodes de l’histoire, me semble-t-il, où la philosophie doit redevenir politique, sous peine de ne servir à rien… Merci à Christophe di Caro d’avoir organisé ce moment de rencontre, et de tenir la barre de son café-philo.

Finalement, sommes-nous libres ou est-il temps de le devenir ?

Pour La Boëtie, le naturel de l’homme est bien d’être libre, et de vouloir l’être ;  mais aussi, ajoute-t-il, sa nature est telle, que naturellement il prend le pli que l’éducation lui donne. Pourquoi donc désapprendre ainsi la liberté ? Serait-ce pour donner à quelques-uns l’exclusivité du pouvoir de gérer la Cité ? Car l’essence [de la liberté], nous dit Hannah Arendt, est […] l’autorisation à participer aux affaires publiques

Pourquoi serait-il temps alors, aujourd’hui plus qu’hier, d’être libre, et de penser et agir par nous-mêmes ? Peut-être parce que nous vivons, depuis quelques décennies, une période singulière de l’histoire, une de ces périodes que le philosophe Marc Halevy nomme “bifurcation”, une période où tout peut basculer. Face aux défis des technologies, de l’environnement, de la démographie, nous pouvons laisser nos dirigeants gérer la complexité du monde à leur manière habituelle, par la contrainte, de plus en plus forte, de plus en plus envahissante. Ou nous pouvons choisir d’être libre. Peut-être même en avons-nous le DEVOIR, pour que l’humanité ait un futur. 

Dans un « message à de jeunes Français en faveur de la Hongrie », en 1956, Albert Camus écrivait : « Partout et toujours, gardez la mémoire de ce que nous venons de vivre afin de rester fidèles à la liberté, à ses droits comme à ses devoirs, et afin de ne jamais accepter, jamais, que quelqu’un, homme, si grand soit-il, ou parti, si fort qu’il soit, pense pour vous et vous dicte votre conduite. Oubliez vos maîtres, ceux qui vous ont tant menti, vous le savez maintenant, et les autres aussi, puisqu’ils n’ont pas su vous persuader. […] Ne vous laissez intimider par aucun des chantages, de droite ou de gauche« .

John Dewey ajouterait qu’il n’y a pas de démocratie sans hommes libres, et pas de liberté sans démocratie. Alors, oui, il est temps d’apprendre à être libre, avant qu’il ne soit trop tard. Et pour atteindre ce but, il est temps de construire, ici et maintenant, une société réellement fondée sur la liberté et son corollaire, cher à Jefferson : la subsidiarité.